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Grève : comment et dans quel délai informer l'employeur?

Publié le 12/11/2014

La Cour de cassation réaffirme le droit de grève et rappelle que, sauf exceptions, l’exercice normal de ce droit n’est soumis à aucun préavis. Il suffit donc que l’employeur ait connaissance des revendications professionnelles au moment de l’arrêt de travail pour que la grève soit licite, peu important les modalités de cette information. Cass. Soc. 22.10.14, n°13-19858.

Si la grève est un droit fondamental reconnu et protégé (1), dans le secteur privé, la loi n’en précise ni la définition ni les modalités d’exercice. Les tribunaux ont alors dû combler ces lacunes.Il s’agit de «  la cessation collective et concertée du travail par les salariés, en vue d’appuyer des revendications professionnelles»(2).
A défaut de rentrer dans ce cadre, le mouvement peut être considéré comme illicite et les salariés sanctionnés.

  • L’affaire

Dans cette affaire, trois salariés grévistes ont été licenciés pour faute lourde pour avoir, le 6 juillet 2009, cessé de travailler. En effet, l’employeur estimant ne pas avoir été informé des revendications  professionnelles des salariés, avant le déclenchement de la grève, a considéré avoir été mis devant le fait accompli. Il se trouve pourtant que les salariés avaient adressé un courrier de revendications  professionnelles à l’employeur le 4 juillet 2009, reçu par ce dernier le 6 juillet, jour de l’arrêt de travail. Par ailleurs, les salariés avaient, dès le déclenchement de la grève, informé leur responsable d’atelier (seul représentant de la hiérarchie sur les lieux) des raisons du mouvement, suscité par le refus de l’employeur de satisfaire à leurs revendications. L’employeur a,malgré tout, estimé avoir été informé trop tardivement de ces revendications et pas dans les formes adaptées.

Les salariés licenciés ont donc saisi le Conseil de prud’hommes en vue de contester leur licenciement.
La Cour d’appel leur a donné raison en déclarant les licenciements sans cause réelle et sérieuse. L’employeur a formé un pourvoi contre cette décision.

La question posée à la Haute cour était la suivante : comment  et dans quel délai les salariés grévistes doivent-ils informer l’employeur de leurs revendications professionnelles ?

La Cour de cassation a suivi l’analyse de la cour d’appel en considérant que « l’exercice normal du droit de grève n’étant soumis à aucun préavis, sauf dispositions législatives le prévoyant, il nécessite seulement l’existence de revendications professionnelles collectives dont l’employeur doit avoir connaissance au moment de l’arrêt de travail, peu important les modalités de cette information ».

  • Pas de préavis

Contrairement aux services publics, dans le secteur privé aucun délai de prévenance n’est imposé préalablement à un mouvement de grève.

Toutefois, selon la jurisprudence constante, pour exercer son droit de grève de façon licite, outre la nécessité de s’appuyer sur des revendications professionnelles, comme le rappelle la Cour de cassation, il faut impérativement que l’employeur ait connaissance de ces dernières au moment de l’arrêt de travail (3)
En l’espèce, les juges ont pu constater que l’employeur avait d’une part, reçu les lettres de revendicationsle jour J et d’autre part, qu’il ne contestait pas l’existence d’échanges (formalisés ensuite par une télécopie) entre les salariés et le dirigeant et ce, immédiatement après la cessation de travail.
Les juges ont ainsi considéré que l’employeur ne pouvait pas ignorer au moment de l’arrêt de travail, les revendications des salariés, ce qui suffit à considérer la condition remplie.

  • Pas de formalisme imposé

La Haute juridiction met par ailleurs l’accent sur le caractère accessoire des modalités de l’information. L’essentiel est que l’employeur ait, au moment de la cessation de travail, connaissance  des raisons qui motivent le mouvement de grève, peu importe la façon dont il en a été informé.
En l’espèce, la Haute cour a considéré que la réception des lettres de revendications et l’information du supérieur hiérarchique au moment de la cessation de travail suffisaient à établir la connaissance par l’employeur de ces réclamations, sans nécessiter d’autre formalisme (lettre recommandée,…).

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle donc la souplesse accordée dans l’exercice du droit de grève (4): l’employeur peut être informé par tous moyens et ce, jusqu’au moment même de l’arrêt de travail, des revendications professionnelles des salariés (5).

Attention, ce n’est toutefois pas parce qu’un mouvement de grève remplit toutes les conditions nécessaires à sa licéité, qu’il ne peut être abusif (6)!


(1) Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, Code du travail, textes internationaux.
(2) Cass. Soc. 16 mai 1989, n°85-43359
(3) Cass. Soc. 19 novembre 1996, n° 94-42631
(4) La Cour de cassation avait déjà admis que les salariés n’étaient pas tenus d’attendre le refus de leur employeur de satisfaire à leurs revendications pour entamer la grève
(5) Il n’est d’ailleurs pas possible de limiter ou règlementer le droit de grève, même par une convention collective ou une clause du contrat de travail.
(6) Cela peut notamment être le cas lorsqu’il y a désorganisation de l’entreprise.