Pénurie de personnel dans la santé et les services sociaux : une bombe à retardement

Publié le 27/02/2023

De graves pénuries de personnel affectent l’offre de soins dans tous les pays en Europe et dans le monde. La crise sanitaire n’a fait qu’exacerber les conséquences d’une décennie d’austérité et de manque d’investissement dans les secteurs de la santé et des services sociaux.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS)[1] le vieillissement des personnels du secteur de la santé et des soins était un problème grave en Europe avant la pandémie de la Covid-19. Il est encore plus préoccupant aujourd’hui car l’épuisement professionnel et les facteurs démographiques contribuent à une diminution constante des effectifs.« Les pénuries de personnel, un recrutement et une fidélisation insuffisants, la migration des travailleurs qualifiés, des conditions de travail peu attrayantes et le manque d’accès à des possibilités de formation continue sont autant de fléaux qui frappent les systèmes de santé » déclare le docteur Hans Henri P. Kluge, Directeur régional de l’OMS pour l’Europe. S’ajoutent à cela des capacités de données inadéquates et une capacité d’analyse limitée, une gouvernance et une gestion défaillantes, une absence de planification stratégique et un investissement insuffisant dans le renforcement des effectifs.

 

De plus, selon les estimations de l’OMS, environ 50 000 travailleur.euse.s de la santé et des soins pourraient avoir perdu la vie à cause de la Covid-19 rien qu’en Europe. Et elle alerte sur la santé mentale. Lors de la première vague de la pandémie, en mars 2020, les absences de travailleur.euse.s de la santé ont augmenté de 62 % et des problèmes de santé mentale ont été signalés dans presque tous les pays européens. Dans certains pays plus de 80 % du personnel infirmier a signalé l’une ou l’autre forme de détresse psychologique causée par la pandémie. L’OMS/Europe a reçu des informations selon lesquelles pas moins de 9 membres du personnel infirmier sur 10 déclaraient leur intention de quitter leur emploi.

 

La question de la pénurie de personnel reste entière continuant à saper et à détériorer les conditions de travail.

A la suite des applaudissement de toute la population saluant le dévouement et le sacrifice consentis pendant ces années de Covid, on s’attendait à ce que ces travailleur.euse.s de la santé et des services sociaux bénéficient d’une vraie reconnaissance par les pouvoirs publics. Or, un peu partout en Europe, de meilleurs salaires ont été obtenus par les syndicats à grands coups de manifestions et de grèves. Et la question de la pénurie de personnel reste entière continuant à saper et à détériorer les conditions de travail.

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La Fédération syndicale européenne des services publics (EPSU) a reporté sur son site les actions des syndicats dans leur lutte pour améliorer les salaires et les conditions de travail[2]. Le personnel de la santé et des services sociaux de pays européens a défilé à Bruxelles le jour où les ministres de la Santé se réunissaient pour discuter de la capacité de l’Europe à promouvoir la santé et à affronter les pandémies. Les syndicats appellent les décideurs politiques à agir pour faire face à la crise urgente de pénurie de personnel à laquelle sont confrontés les systèmes de santé et de protection sociale. Sans ce personnel l’Europe ne sera – encore une fois – pas préparée à gérer une nouvelle crise sanitaire.

 

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Une délégation conduite par le Secrétaire général de l’EPSU, Jan Willem Goudriaan, a rencontré le Commissaire européen chargé de l’emploi et des droits sociaux pour discuter des pénuries de personnel et de la nécessité d’augmenter les investissements publics. Les secteurs de la santé et des services sociaux ont besoin d’un financement et d’investissements publics suffisants pour permettre d’avoir des soins et des prises en charge de qualité.

 

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En France il y a environ 630 000 infirmier.ère.s et le manque de professionnel.le.s est estimé à 100 000. Selon les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) de 2018, le nombre d’infirmier.ère.s devrait augmenter de 53 % entre 2014 et 2040 pour atteindre 881 000 afin de répondre à la demande de soins d’une population vieillissante.

 

Dans les instituts de formation aux soins infirmiers (Ifsi), qui intègrent chaque année plus de 30 000 nouveaux étudiants, « 20 %, en gros, abandonnent leurs études » au cours de leur cursus de trois ans a déploré le ministre de la Santé, François Braun, pointant notamment leur « précarité » financière et la « maltraitance » subie durant les stages de formation[3].

 

Pour autant, il est particulièrement important d'accroître les investissements dans la formation du personnel infirmier en raison du vieillissement de la population active infirmière dans de nombreux pays et de la proximité de la retraite pour le personnel soignant de la génération du "baby-boom"[i].

 

L’OMS estime un déficit prévu de près de 10 millions d’agents de santé d’ici à 2030.

La grande pénurie de soignant.e.s est une réalité dans toute l’Europe[4]. La population est vieillissante et va nécessiter des soins mais, en plus, les arriérés et les retards dans les soins de santé non urgents causés par la pandémie de la Covid-19 ont laissé des millions de personnes sans soins dans pratiquement tous les pays européens[ii]. La pénurie de soignant.e.s est généralisée, étendue au monde entier. L’OMS[5] estime un déficit prévu de près de 10 millions d’agents de santé d’ici à 2030.

 

Selon l’OMS les gouvernements doivent mettre en œuvre des politiques clés pour embaucher plus d'agents et de personnel de santé, notamment grâce à un recrutement et à une formation flexibles, et améliorer les conditions de travail, en particulier à l’aide d’un soutien en santé mentale et à une meilleure rémunération[6]. Et la mobilisation syndicale s’organise pour faire inscrire ces revendications légitimes dans l’agenda politique.

 


[1] https://www.who.int/europe/fr/news/item/14-09-2022-ticking-timebomb--without-immediate-action--health-and-care-workforce-gaps-in-the-european-region-could-spell-disaster

[2] https://www.epsu.org/article/european-health-care-workers-demonstration

[3] https://www.20minutes.fr/sante/4009127-20221108-penurie-soignants-precarite-maltraitance-environ-20-infirmieres-decrochent-ecole-regrette-braun

[4] https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/27/crise-des-systemes-de-sante-en-europe-la-grande-penurie-de-soignants_6136283_3210.html

[5] https://www.who.int/health-topics/health-workforce#tab=tab_1

[6] https://www.who.int/europe/news/item/20-07-2022-covid-19-has-caused-major-disruptions-and-backlogs-in-health-care--new-who-study-finds

 

[i] https://data.oecd.org/fr/healthres/titulaires-d-un-diplome-d-infirmier-ere.htm#indicator-chart

[ii] https://www.who.int/europe/news/item/20-07-2022-covid-19-has-caused-major-disruptions-and-backlogs-in-health-care--new-who-study-finds