Covid-19 : Chroniques du terrain (4)

Publié le 14/04/2020

Témoignage de Patricia, technicienne de laboratoire. À la recherche d’un test immunologique de dépistage du Covid-19.

Photo : Voisin/Phanie. Illustration sur le plasma des patients guéris du Covid-19, riche en anticorps (immunoglobuline IgG et modélisation du coronavirus).

Vendredi 3 avril

patricia léveilléPatricia Léveillé est technicienne de laboratoire à Synlab Lorraine, un laboratoire de biologie médicale dont le siège est à Saint-Max, en Meurthe-et-Moselle. Il y a cinq sites : un plateau technique et quatre centres de prélèvement, pour environ 70 salariés. 

«  Synlab Lorraine fait partie des entreprises pilotes pour la recherche d’un test immunologique de dépistage du Covid-19. Peux-tu expliquer la démarche  ?

— Il y a deux façons de détecter le Covid-19. On identifie le virus par polymérisation de la chaîne de l’ARN [acide ribonucléique], c’est-à-dire par réplication d’une chaîne génétique : c’est le test diagnostique PCR [polymerase chain reaction] fait par prélèvement naso-pharyngé. 

Une deuxième série de recherche est en cours, à laquelle notre laboratoire participe. Désormais, on ne recherche plus le virus, mais les IgG ou les IgM [immunoglobines] : ce sont des marqueurs de la maladie en cours, ou bien des anticorps qui sont produits après. Nous sommes dans la procédure de validation de la technique pour permettre d’utiliser ce test à grande échelle. Il devrait permettre d’identifier les personnes immunisées, et de préparer ainsi la stratégie de déconfinement.

«  On recherche des marqueurs de la maladie en cours, ou bien des anticorps qui sont produits après. »

C’est un test rapide : il permet d’obtenir un résultat en un quart d’heure – et il ne nécessite pas de matériel particulier. Pour la PCR, il faut un automate, et un personnel formé à cette technique particulière. Là, on dépose une goutte de sérum, de sang ou de plasma et après rajout d’une goutte tampon sur ce qu’on appelle une savonnette, une réaction colorée se produit avec les IgG et IgM, s’il y en a. C’est très simple à lire.

— Tu es déléguée syndicale. Quels sont les liens avec la direction  ?

— Le 15 mars, la direction a annoncé au cours d’une réunion classique de CSE que les salaires seraient maintenus pour tout le monde, au moins les premiers mois. Le lendemain, un CSE extraordinaire a permis de faire le point sur les mesures mises en place. Le CSE a approuvé la nouvelle organisation décidée par la direction. On vient avec des questions très incisives quand il le faut, mais là, notre rôle est aussi de fluidifier les interactions. Il faut être solidaires pour que ça marche. 

Il y a eu une pénurie de matériel dès le début, surtout du gel hydroalcoolique. Le PDG est allé frapper à toutes les portes, ce qui a donné confiance au collectif de travail et a amené chacun à chercher de son côté. Il y a eu un élan de solidarité dans l’entreprise pour chercher des masques pour les infirmiers. La priorité était vraiment que les salariés soient protégés. Le mot d’ordre était : « Pas de protections, pas de prises de sang. » Il y a eu peut-être 10 % d’absentéisme, dont à peine la moitié lié au coronavirus : c’était surtout des arrêts pour garde d’enfant.

« Le mot d’ordre était : « Pas de protections, pas de prises de sang. »

— Y a-t-il une montée en charge du travail  ?

— Il y a eu deux phases. Pendant le confinement, l’activité a chuté d’un seul coup les dix premiers jours, parce qu’on travaille aussi beaucoup avec les médecins de ville. Et dans les cliniques avec lesquelles nous travaillons, les gens sont sortis, les opérations ont été reculées, et les services se sont préparés à un afflux de malades du Covid. Elles sont aujourd’hui quasiment remplies : l’activité a beaucoup augmenté et il faut de nombreuses précautions pour faire les prélèvements. La charge de travail a donc augmenté du fait que le travail nécessite plus de précautions et donc de temps. 

Le personnel des laboratoires participe à l’effort collectif en rendant les résultats des bilans jour et nuit, le plus rapidement possible. Dès le début de la propagation, Synlab Lorraine a mis en place une sérothèque de sérums de patients malades du Covid, ce qui se révèle primordial pour étudier ce nouveau virus. »