
Bilan de la grève des militant·es CFDT Mayotte santé-sociaux : des aides financières significatives
Deux mois après le passage du cyclone Chido, les salarié·es du Centre hospitalier de Mayotte (CHM) peinent à remettre sur pied l’établissement ainsi que ses antennes, disséminées sur tout le territoire. En attendant, des aides financières se mettent en place, notamment grâce à la grève du mois de janvier, et l’élan impulsé dans les branches par la CFDT santé-sociaux.

Saoudati Somo Saindou, aide-soignante, et Rafza Youssouf Ali, auxiliaire de puériculture, représentantes syndicales à la CFDT Mayotte santé-sociaux, en visite à la Fédération à Paris, le 6 février. © Emma Bodiot
Frappée de plein fouet par le cyclone Chido le 14 décembre 2024, la partie nord de Mayotte a été dévastée. Le 12 janvier, ce sont le centre et le sud du territoire qui ont été ravagés par la tempête Dikeledi, charriant des pluies torrentielles.
Dans ce paysage dévasté, le personnel de santé a dû faire face pour accueillir malades et femmes qui accouchent, à l’hôpital très endommagé de Mamoudzou : entre autres, les toits dévastés, dont l’installation tardive de bâches n’a pas suffi à retenir les pluies incessantes. Les aides-soignantes épongeaient les sols de la maternité avec balais et seaux d’eau, souvent rapportés de la maison.
Faire face pour accueillir malades et femmes qui accouchent, à l’hôpital très endommagé de Mamoudzou
Saoudati Somo Saindou, aide-soignante, et Rafza Youssouf Ali, auxiliaire de puériculture, sont représentantes syndicales CFDT santé-sociaux. Le 6 février, lors de leur venue à la Fédération santé-sociaux à Paris, toutes deux ont déploré le manque de communication avec la direction du CHM, ainsi qu'une gestion de crise inexistante.
Des agentes livrées à elles-mêmes
« Les conditions de travail étaient dégradées. Au début, on trouvait ça normal, mais ça a duré trop longtemps », déplore Rafza. Le problème, c’est le manque de communication entre les représentants du personnel et la direction. « Trois semaines avant le cyclone, nous, syndicats avions alerté de l’arrivée de Chido. On aurait pu répartir les médicaments et l’eau dans les différents dispensaires, explique Somo. On savait que les communications seraient coupées, qu’il n’y aurait plus d’électricité, ni d’eau courante. Il aurait fallu que la direction donne des directives aux responsables de proximité. C’est de la gestion de crise. » Rafza, quant à elle, regrette que « personne n’ait été invité à participer à la cellule de crise » mise en place par la direction. « Même les cadres de proximité n'étaient pas conviés. »
Trois semaines avant le cyclone, nous, syndicats avions alerté de l’arrivée de Chido. » Saoudati Somo Saindou, aide-soignante
Durant les premiers jours qui ont suivi le cyclone, les deux militantes cherchaient à prendre des nouvelles des agent·es et soignant·es du CHM, qui ne donnaient aucun signe de vie. Maintes fois, elles ont sollicité la direction pour savoir s’ils étaient encore vivants, mais aucune information de la direction. Le lendemain du cyclone, Somo, en tant que représentante syndicale, est « descendue seule vers Mamoudzou avec une ambulance » empruntée à son dispensaire de santé, puis elle a récupéré un véhicule du CHM : « J’ai tourné dans tous les villages où du personnel habitait pour savoir qui était vivant et être sûre que personne n’était blessé. » N’était-ce pas à la direction de faire ce travail et d'informer le personnel de santé ?
Bilan des dégâts
Étant donné que les toitures des différents bâtiments du CHM ont été emportées par les rafales de vent, des bâches ont été installées. « Un petit pansement en saison des pluies », s’indigne Rafza, avant d’ajouter : « Nous travaillons dans des passoires. »
Nous travaillons dans des passoires. » Rafza Youssouf Ali, auxiliaire de puériculture
Dans les locaux, ce n’est guère mieux : « On avait huit salles de bloc opératoire, il en reste deux pour quatre fois plus de patients par rapport à d’habitude. Les accouchements ont été plus nombreux également. » Bon an, mal an, Rafza explique qu’« on peut encore faire des césariennes, soigner des abcès, pratiquer des soins d’urgence, mais les vraies pathologies, ce n’est pas possible. Et le transfert des malades à La Réunion coûte cher. »
Le mouvement de grève porte ses fruits
Exaspéré·es de n’être jamais entendu·es par la direction, les représentant·es CFDT Mayotte santé-sociaux lancent un préavis de grève le 6 janvier. Décalée en raison du second cyclone, la grève, qui aura duré une bonne semaine, se termine le 20 janvier. Il faudra deux rencontres avec la direction, dont l’une avec le préfet de Mayotte, pour mettre en place un protocole de fin de grève.
Le comité de suivi constitue une avancée majeure. » Sophie Perdriau, chargée de mission DROM-COM
Un « comité de suivi » est mis en place, « ce qui est rare à obtenir et constitue une avancée significative, explique Sophie Perdriau, chargée de mission DROM-COM à la fédération CFDT santé-sociaux. Ce comité de suivi permet de tracer ce qui a été acté dans ce protocole, aujourd’hui et demain ».
Les représentant·es du personnel ont obtenu, de l’ARS, 2000 euros d’aide financière, pour environ 3000 agent·es. Le paiement de tous les jours de grève a été acté également.
Débloquer des fonds en urgence
Loïc Le Noc, secrétaire national CFDT santé-sociaux a été au cœur du déploiement des aides financières versées au personnel de santé du CHM : « Quelques jours après le passage du cyclone, la CFDT santé-sociaux est interpellée par la branche des pharmacies d’officine nous demandant si on était d’accord pour que les fonds de solidarité de la prévoyance de la branche puissent verser une aide aux salarié·es des pharmacies de Mayotte victimes du cyclone. »
Il fallait étendre cette aide à toutes les branches de notre champ. » Loïc Le Noc, secrétaire national CFDT santé-sociaux
Après réflexion pragmatique, le militant tire la conclusion suivante : « Si on donnait notre accord, il fallait étendre cette aide à toutes les branches de notre champ. Ainsi, tous les secrétaires fédéraux, chargés de leurs branches respectives, disposant de fonds de solidarité, haut degré de solidarité, ou encore fonds sociaux, ont fait des demandes. »
Des aides financières concrètes
Le Comité de gestion des œuvres sociales (Cgos) a versé différentes aides financières pour un coût total de 3 100 000 euros : 1000 euros à chacun des 3000 agents non médicaux du CHM ; 100 000 euros au CHM pour financer les actions mises en place pour les agent·es de l’établissement, dont la nature et la finalité doivent être soumises à l’avis préalable du CSE et faire l’objet d’un retour d’informations sur l’emploi des sommes allouées à l’établissement.
Le HDS Prévoyance de la Convention nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées (CCN 66) a mis en place une aide financière d’urgence de 1500 euros majorée de 500 euros par enfant à charge (https://branche-hds.fr/catalog/fondsdesolidarité-ccn66).
La CPPNI de la branche des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap) a accordé un versement de 500 euros à l’ensemble des salariés des établissements adhérents, y compris ceux non mutualisés (https://www.fehap.fr/jcms/navigation-internet/cyclone-chido-soutien-de-la-fehap-aux-adherents-de-mayotte-pfehap_138572).
La branche des acteurs du lien social et familial (Alisfa) a ouvert une aide financière d’urgence aux salariés de la branche : 1500 euros majoré de 500 euros par enfant à charge (https://www.alisfa.fr/fonds-de-solidarite/).
La branche des pharmacies d’officine, par l’intermédiaire du fond social HDS de l’Apgis, a permis de débloquer une aide de 2000 euros par salarié (https://apgis.com/SalariePharmacieOfficine).
Cette action syndicale coordonnée par la CFDT santé-sociaux montre l’efficacité du syndicalisme, la fraternité et l’entraide auprès des acteurs de la santé qui ont besoin d’aide pour aller mieux et soigner bien.
Emmanuelle Bodiot