
Ève Rescanières : « Dans CFDT, il y a le D de démocratie et nous ferons tout pour la protéger »
Dimanche 7 juillet, à l’issue du deuxième tour des élections législatives, après la dissolution voulue par Emmanuel Macron, la nouvelle composition de l’Assemblée nationale montre un tout nouveau paysage politique. Pour Ève Rescanières, secrétaire générale CFDT santé-sociaux, ce sont de nouvelles perspectives qui s’ouvrent. Entretien.

© Georges Gomes
Des militants CFDT se sont insurgés contre l’appel au vote anti-RN, probablement des personnes qui votent extrême droite. Que leur dis-tu ?
Je suis surprise qu’ils soient surpris. La CFDT ne triche pas, cela fait des années qu’elle appelle au vote anti-RN. C’est écrit dans l’article 1 de ses statuts. Dans CFDT, il y a le D de démocratie et nous ferons tout pour la protéger. Quand on est syndicaliste, on ne peut pas donner sa voie à un parti qui veut diminuer, voire supprimer les moyens des syndicats. Peut-être ont-ils trouvé que notre message était trop appuyé, mais cela s’imposait, au vu de la gravité de la situation.
Si certains nous ont fait savoir qu’ils étaient mécontents, notre prise de position anti-RN a par ailleurs suscité de nouvelles adhésions à la CFDT.
L’absence de majorité au gouvernement peut-elle constituer un frein à l’action syndicale ?
Cela pourrait être un frein car certains disent que le pays n’est pas gouvernable. Maintenant, nous attendons des partis qu’ils se comportent en adultes, qu’ils constituent des majorités autour de textes fondateurs et progressistes, porteurs de justice sociale, c’est-à-dire tout l’inverse des textes sur la loi immigration ou la réforme de l’assurance chômage.
Les futures batailles ou celles en cours ont-elles plus de chance d’aboutir avec cette nouvelle configuration plus à gauche ?
On aurait pu s’attendre avec monsieur Macron à davantage d’écoute. Ce qu’il nous faut, c’est un gouvernement qui tienne compte de la société civile et des corps intermédiaires, qu’il les écoute et les considère comme des partenaires. Le Nouveau Front populaire a dit que c’est ce qu’il souhaitait faire, mais quelle déception hier soir en écoutant les intervenants lors de la soirée électorale : personne n’a remercié les syndicats et la société civile de s’être battus pour faire barrage au RN. Il va donc falloir que le gouvernail s’oriente vers la bonne direction.
Ce qu’il nous faut, c’est un gouvernement qui tienne compte de la société civile et des corps intermédiaires »
Aucun parti n’a la majorité absolue. En revanche, le RN réalise la percée la plus importante de son histoire malgré le barrage républicain. L’arrivée au pouvoir du RN n’est-elle que partie remise pour les élections présidentielles de 2027 ?
On peut faire encore mieux en trois ans, que ce que nous avons déjà fait en trois semaines. Charge à nous, au monde politique, au monde culturel, à la société civile de faire en sorte que l’on puisse s’organiser, pour que ce scénario ne se répète pas en 2027. Cela veut dire : plus de services publics, plus de considération pour les personnes qui se sentent déclassées, des actions sur les salaires, sur la vie de tous les jours. On doit mieux vivre de son travail, enjeu crucial pour la CFDT qui est force de proposition.
On doit mieux vivre de son travail, enjeu crucial pour la CFDT qui est force de proposition »
L’avenant 33 passera-t-il plus facilement ?
Nous avons connu une période de latence la semaine dernière. Dès aujourd’hui, nous repartons au combat : l’avenant 33 n’est pas mort. Catherine Vautrin, toujours ministre de la Santé, a dit qu’il devait voir le jour. Nous allons reprendre le chemin du ministère pour le faire appliquer.
Le Complément de traitement indiciaire (CTI) pourrait-il être mis en place pour tous ?
On y compte bien. Nous allons entamer une période de discussions relative au projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Il s’agit de faire du « lobbying » parlementaire auprès des députés. Il reste aujourd’hui environ 3000 agents de la fonction publique hospitalière qui ne bénéficient pas de ce CTI. Nous allons remettre ce dossier sur le haut de la pile car ce serait scandaleux de ne pas leur octroyer. On ne lâchera pas, pour que tous obtiennent le Ségur dans la fonction publique hospitalière. Cela constituerait un bon marqueur du prochain gouvernement, bouclerait le Ségur et la fin d’un cycle pour nous, afin d’entamer de nouveaux combats pour les agents de la fonction publique hospitalière.
Propos recueillis par Emmanuelle Bodiot