
Enquête Effectifs 2023 : dégradation des conditions de travail
La CFDT santé-sociaux a mené une enquête « Parlons effectifs » au sein du secteur sanitaire et Ehpad, avec pour objectif de mesurer l’évolution des effectifs soignants auprès des patients. Voici les résultats pour l’année 2023.

C’est une tâche de longue haleine qui a commencé en 2017. La CFDT santé-sociaux lançait un projet d’enquêtes Effectifs. Le but ? Déterminer le nombre journalier moyen de patient·e·s par infirmier·ère ou aide-soignant·e, mais aussi de recueillir des données sur le temps de travail et votre ressenti. Cette enquête « Parlons effectifs » 2023 s’est tenue la semaine du 22 au 28 mai. Un questionnaire en ligne détaillé, destiné au personnel de santé, abordait plusieurs thèmes : vous connaître ; les effectifs de votre service ; l’organisation de votre journée de travail, ainsi que la qualité de soins et la sécurité des patients.
Un projet au long cours
L’intérêt est de confronter les chiffres par rapport à ceux des années précédentes. La comparaison entre les données de 2018 et 2023 a permis de recueillir des informations sur les dépassements des horaires effectués, le sentiment du personnel sur le niveau de sécurité, ou encore la qualité des soins…
Porteuse du projet, Nathalie Pain, secrétaire nationale chargée de l’Europe et de l’International à la CFDT santé-sociaux, explique que « ces enquêtes permettent de mesurer les effectifs soignants et leur évolution. Ce procédé est qualitatif et quantitatif. Les indicateurs permettent d’apprécier la qualité de vie au travail et le ressenti du personnel. Au niveau national, cela nous a permis de rendre compte de l’évolution des conditions de travail dans ce secteur ». En tant que statisticien et secrétaire de la section syndicale CFDT du CHU de Besançon, « Marc Puyraveau a été d’une aide précieuse dans le traitement des données ».
Initialement, ce projet avait été lancé en 2012 par l’organisation syndicale britannique UNISON. La secrétaire nationale entend présenter ses résultats à la Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP ou EPSU en anglais) dont la CFDT est adhérente : « Nous souhaitons échanger les résultats de nos enquêtes avec les autres syndicats européens. »
Des résultats alarmants
Ce qui a changé en 2023 par rapport aux résultats de 2018, « c’est la durée supplémentaire quotidienne de travail. En 2018, le personnel faisait environ 30 minutes de plus par jour, contre 1 à 2 heures en 2023. Les conditions de travail se sont considérablement dégradées et le personnel se trouve en réelle détresse », alerte Nathalie Pain. Les témoignages des professionnels, publiés dans les résultats de l’enquête, sont significatifs du malaise : frustration, impression de faire de l’« à peu près », manque de personnel pour « prodiguer des soins de qualité », ou encore « charge de travail augmentée par l’hospitalisation ambulatoire ».
Ratios : rien à l’horizon
En février 2023, une proposition de loi visait à instaurer des ratios pour mesurer le nombre minimum de soignants par patient hospitalisé. L’objectif étant d’améliorer les conditions de travail des soignants et paramédicaux et rendre ces professions plus attractives pour pallier la pénurie de personnel à l’hôpital. Cette loi n’a jamais vu le jour.
Cependant, les soignants n’étant pas en nombre suffisant, Nathalie Pain estime qu’« il était compliqué de mettre en place ces ratios ». Sur quoi se base-t-on ? Par exemple, « les critères ne sont pas les mêmes en fonction d’un service de cardio ou de pneumologie. De même, le nombre de patients varie tous les jours. Pour les personnes âgées, il y a peu d’évolution dans la charge de travail des personnes à accompagner, ce qui n’est pas vrai dans les services de chirurgie. En fonction de la pathologie et de l’état de santé de la personne, l’activité du service est très variable ». Heureusement, dans certains services comme en réanimation, les ratios sont obligatoires.
En attendant d’être abordés à l’échelle européenne, ces résultats montrent un secteur affaibli, démoralisé et peu attractif que la CFDT santé-sociaux compte bien soutenir et défendre au niveau national.
Emmanuelle Bodiot