QVCT dans la Branche de l’aide à domicile : un projet d’ampleur nationale

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Associations, structures, organisations syndicales et employeurs sont tous d’accord : l’usure professionnelle, due aux conditions de travail des salariés, est devenue un souci majeur dans la Branche de l’aide à domicile (BAD). Ainsi, la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) devient un enjeu primordial dont doit s'emparer ce secteur. Un grand projet est d’ailleurs lancé en vue d’aboutir à un observatoire de la QVCT. Explications.

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Dans un contexte où l’usure professionnelle et la désaffection des salariés dans la Branche de l’aide à domicile deviennent criantes, l’Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) lance un appel à projets. Damiac, pour « diagnostic action, mesure impact, amélioration continue », est le nom donné au plan d’envergure qui sera présenté ce vendredi 24 janvier, lors d’un premier comité de pilotage.

 Un observatoire pour la branche de l’aide à domicile 

La prévention est un sujet majeur depuis des années pour ce secteur, qui investit massivement en la matière. Cependant, Alda Gaultier, secrétaire fédérale CFDT santé-sociaux et présidente de la Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle (CPNEFP), explique que « la sonnette d’alarme avait déjà été tirée en 2015-2016. Les taux de sinistralité et d’invalidité avaient dépassé ceux du secteur du bâtiment. Aujourd’hui, on ne se trouve plus dans ce cas de figure, mais la situation reste très préoccupante ».

Pour la première fois, c’est la branche elle-même qui a répondu en premier à l’appel d’offres lancé par l’Anact »

 

Maintenant, l’objectif est de se doter d’un observatoire de la QVCT au sein de la BAD. « En général, ce sont plutôt les structures, les employeurs qui répondent présents à ce genre d’initiative, explique la militante. Mais pour la première fois, c’est la branche elle-même qui a répondu en premier à l’appel d’offres lancé par l’Anact, qui finance 30% du projet. Les 70% restants proviennent de fonds conventionnels de la branche. » Elle se réjouit de l’ampleur nationale du projet qui, de ce fait, aura bien plus d’impact.

 L’aide à domicile, de la naissance au grand âge 

Ce secteur compte 4 500 structures et 217 000 salariés, qui exercent les métiers tels qu’infirmier·ère coordinateur·rice, accompagnant·e éducatif·ve, infirmier·ère, technicien·ne de l’intervention sociale et familiale, aide-soignant·e, responsable de secteur, aide à domicile. Ces métiers du care sont là pour accompagner les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les familles en souffrance. Le panel de prestations de services est large et accompagne une population en difficulté, de la naissance au décès.

 Prévention des risques 

Nombreuses sont les personnes qui intègrent ces métiers, sans ou avec peu de qualification. « On a du mal à trouver du personnel formé. La cause première, c’est l’usure professionnelle due aux conditions de travail », se désole Alda Gaultier. « Et le souci, c’est que ces salariés ne prennent pas les bonnes habitudes. Par exemple, de mauvaises postures engendrent des complications : mal de dos, douleurs musculaires. Beaucoup se retrouvent en arrêt maladie. »

Par ailleurs, ce sont des métiers mal payés. Il faut faire de nombreuses heures de trajet pour se rendre chez les patients et les heures creuses ne sont pas rémunérées. Dans ces conditions, ces professions manquent cruellement d’attractivité.

Pour endiguer l’hémorragie, il faut prendre en charge ces professionnels dès leur prise de poste

 

La militante ajoute que « le rythme des interventions a augmenté. Il y a quelques années, une aide à domicile effectuait trois interventions par jour. Aujourd’hui, elle peut faire jusqu’à sept visites dans la même journée ».

Pour endiguer l’hémorragie, il faut prendre en charge ces professionnels dès leur prise de poste. On les met trop vite dans le bain. Dès le départ, les salariés doivent connaître les bons gestes. Il s’agit de former en matière de prévention des risques, ce qui facilitera les conditions de travail.

C’est un gros chantier sur lequel la CFDT santé-sociaux est déjà très investie depuis de nombreuses années. Alda Gaultier rappelle d’ailleurs que des « des questionnaires sur la QVCT pour le privé et le public avaient été mis en place dès 2015 ».

 Le projet Damiac 

Ce projet s’étalera sur deux ans. L’objectif ? Créer et faire perdurer un observatoire qui mette en place des actions de formation, des études et des enquêtes de prévention, en vue d’éviter l’usure professionnelle et de garantir les conditions d’une bonne QVCT.

La phase 1 (décembre 2024 – janvier 2025) a commencé avec une première réunion qui s’est tenue en décembre 2024 pour définir le cadre opérationnel, l’analyse documentaire et la capitalisation du projet.

Le 24 janvier, le lancement aura pour but de présenter le déroulement du plan aux membres du comité de pilotage. Il s’agira, avec tous les prestataires, de dresser un état des lieux dans la Branche de l’aide à domicile. La CPNEFP, composée de la CFDT santé-sociaux, CGT et FO, et des quatre réseaux employeurs qui composent l’Union syndicale de branche à domicile (USB) : l’ADMR1, l’UNA2, l’Adédom3 et la FNAAFP4 ,est à l’initiative de ce projet QVCT.

Pour donner son accord, l’Anact, attend aussi des propositions sur les questions de dialogue social, égalité femmes-hommes, égalité salariale.

Si l’expérimentation d’une structure s’opère, employeurs, salariés – dont du temps sera dégagé – et représentants syndicaux seront consultés.

La CFDT santé-sociaux a insisté pour que des représentants de salariés soient présents dans les comités techniques.

La phase 2 (février-mars 2025) sera consacrée à la conception d’une démarche diagnostic « actions », effectuée par le prestataire Pulso France, à savoir une période de production via le lancement des questionnaires.

La phase 3 (avril - novembre 2025) sera destinée à l’expérimentation de la démarche de diagnostic, par les quatre réseaux employeurs déployés nationalement. L’expérimentation se fera dans deux structures par réseau.

La phase 4 (décembre 2025 - juillet 2026) permettra d’analyser les données et de concevoir le fonctionnement de l’observatoire QVCT.

La phase 5 (à partir d’août 2026) sera consacrée à la promotion et au déploiement de l’observatoire :

- en accompagnant les structures dans leur démarche de prévention grâce à une démarche innovante, intégrée et adaptée, renforçant dialogue social et professionnel ;

- en concevant, développant et promouvant cette démarche pour que des structures l’expérimentent ;

- en capitalisant et analysant, au niveau de l’observatoire QVCT de la branche, l’ensemble des données afin de mesurer en continu « l’état de santé » des salariés en matière de QVCT et en nourrissant le dialogue social sur la QVCT.

Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) du 29 mars 20245 rappelle que l’on se trouve dans un contexte de population vieillissante : « Le nombre de personnes âgées en situation de perte d’autonomie augmentera, par rapport à 2020, de 16% en 2030, 36% en 2040 et 46% en 2050, pour atteindre près de 4 millions, ce qui constitue un défi majeur. »

Entre la branche de l’aide à domicile en souffrance au travail et en manque de personnel, et une population vieillissante qui aura de plus en plus besoin de recours aux soins, Alda Gaultier rappelle qu’« il est grand temps d’agir ! »

1. ADMR. Aide à domicile en milieu rural
2. UNA. Union nationale de l’aide, des soins et des services à domicile
3. Adédom. Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire
4. FNAAFP. Fédération nationale des associations de l’aide familiale populaire
5. « Lieux de vie et accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie : les défis de la politique domiciliaire »

Emmanuelle Bodiot

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