Jeunesse militante au congrès de Niort : la relève est là

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Ils ont entre 25 et 35 ans, travaillent dans le secteur sanitaire, social et médico-social et ont décidé de s’investir dans la défense des droits des salarié·es. Venue de part et d’autre de toute la France, cette jeunesse militante était bien présente au 35e congrès de Niort, avec de solides convictions de justice sociale, d'écologie ou encore sur la santé mentale.

Au 35e congrès de Niort, qui s'est tenu au mois de juin, la consigne avait été donnée de laisser la place aux jeunes. Ils sont venus, plus nombreux que jamais. La CFDT, qui semble souffrir d’un renouvellement générationnel, a besoin de cette jeunesse pour porter haut et fort les combats actuels du syndicalisme. Comment en sont-ils venus à adhérer, puis militer ?

Devenir militant

Pour certains, le déclic s’est produit à la suite d’un problème professionnel. Raphaël Zimmer, 32 ans, préparateur en pharmacie hospitalière, a pris contact avec la CFDT lorsqu’il était à temps partiel et que la direction lui refusait un CDI. « Grâce à l’aide des militant·es de la section, j’ai obtenu un CDI. Je suis devenu adhérent et, très vite, on m’a proposé de m’inscrire sur la liste CFDT pour les élections du CSE de décembre 2022. Je suis devenu représentant du personnel. » Féru d’économie et de politique, Raphaël s’investit, milite, se retrouve détaché à 60 % pour la CFDT, et devient également responsable QVCT au niveau départemental. En septembre 2025, il sera le nouveau secrétaire général de Meurthe-et-Moselle.

Lucile de La Tour d’Auvergne, 34 ans, est technicienne de laboratoire. « J'avais un encadrement avec une posture managériale particulière, qui me faisait des réflexions sur ma vie privée, sur ce que j'étais, comment j'étais. C'était très difficile. Une de mes collègues a appelé le secrétaire de section CFDT de l'époque, qui m'a fait comprendre que je n'étais pas démunie. Les propos de l’encadrant dépassaient le cadre professionnel. » Elle adhère, milite rapidement et prend une décharge à 20 %. Elle devient ensuite suppléante au syndicat départemental sur l’AG de 2016. Aujourd’hui, elle est secrétaire de section des Hospices civils de Beaune en Côte-d’Or.

Pour d’autres, c’est une tradition familiale qui se perpétue. Infirmier de 35 ans à l’hôpital psychiatrique de Caen, Maxime Augeul a toujours souhaité s’investir dans la cause soignante. « Ne me sentant représenté par aucun mouvement politique, le militantisme syndical de terrain et son côté pratico-pratique m’attiraient. » De plus, son grand-père tenait une section CFDT aux abattoirs de Caen. Mais, là encore, c’est une épreuve professionnelle qui mène cet infirmier au militantisme. « On m’a forcé à passer en travail de nuit. Une militante CFDT a mis la pression sur mon cadre supérieur, ce qui a été bénéfique puisque je ne suis resté que six mois et demi à ce poste… Et quand on me tend la main, je n’oublie pas. » Maxime est devenu adhérent dès qu’il a obtenu le statut de stagiaire infirmier. Il est d’abord élu au CSE, puis membre F3SCT. En 2023, il intègre un groupe jeunesse au niveau de l’URI, et depuis juin 2025, il est élu au bureau syndical et membre de la commission exécutive.

Quant à Émie Derda, 29 ans, auxiliaire de vie à Lyon, c’est son caractère revendicatif et le fait de vouloir améliorer les choses qui l’ont menée à adhérer à la CFDT. Elle s’est trouvée « naturellement portée par les idées et les revendications de la CFDT ». Simple adhérente, elle a rapidement endossé des responsabilités en 2023 comme responsable de branche. Dans le même temps, elle est élue à l’instance décisionnelle du syndicat départemental CFDT santé-sociaux du Rhône.

Enfin, pour Maël Burlot, 30 ans, infirmier à l’hôpital psychiatrique de Caen, la cause syndicale prend tout son sens lors des manifestations contre la réforme des retraites : « Je voyais comme une injustice le fait de travailler plus longtemps, d’autant qu’après 60 ans, les personnes manifestent souvent des maladies chroniques et certains ne profitent même pas de leur retraite. »

De gauche à droite : Émie Derda est responsable de la BAD dans le Rhône. Raphaël Zimmer est représentant du personnel à Lunéville et très prochainement, futur secrétaire général de la Meurthe-et-Moselle. Maxime Angeul vient d'être élu au bureau syndical et il est membre de la commission exécutive dans le Calvados.

Transition écologie et juste soin : une évidence pour les jeunes congressistes

La transition écologique et le juste soin axeront le mandat des quatre prochaines années. Un sujet dont la jeunesse s’est emparée, et à qui la société tout entière demande à cette génération d’essuyer les plâtres.

Dans sa section, Maël Burlot planche sur les économies d’énergie que l’on pourrait faire à l’hôpital, gros émetteur de CO2 et de déchets. « On pourrait fournir plus de repas végétariens, cela réduirait les émissions de CO2 et favoriserait la santé des patients par la même occasion. De même, les repas sont livrés dans des barquettes en plastique, alors qu’avant les contenants étaient en Inox. Un risque de plus pour la santé des patients car les repas, chauffés dans du plastique, diffusent des molécules dans les aliments. Avec les normes sanitaires de plus en plus strictes, on en arrive à un non-sens, alors qu’on nous demande de faire toujours plus d’efforts. »

Pour Lucile, qui n’est pas « une écologiste dans l’âme », la table ronde sur le « juste soin » lui a donné un éclairage nouveau. Elle a pris « la pleine portée de ce qu’on pouvait faire à l’échelle d’un établissement : passer d’une bassine de 10 à 5 litres au CHU de Bordeaux pour la toilette des patient·es, c’est trois fois rien au niveau économique, et c’est pourtant une action très concrète ».

En tant qu’aide à domicile, Émie Derda est particulièrement sensible à la transition écologique en termes de mobilité, qui fait partie intégrante du métier. « Dans ma structure, je bataille pour la prise en charge à 100 % des transports en commun, plutôt que l’utilisation d’un véhicule, ou de transports doux, comme le vélo. De mon côté, j’ai opté pour une trottinette. Certaines de mes collègues utilisent leur voiture parce que les patient·es habitent dans des zones non desservies par les transports en commun. Elles bataillent avec leur employeur pour avoir des véhicules hybrides ou électriques. »

Mais tous ne sont pas d’accord pour faire endosser au personnel soignant des petites mesures. « N’est-il pas dérisoire de nous demander des efforts alors que les grandes puissances ne font pas grand-chose ?  Il y a deux poids deux mesures, proteste Raphaël Zimmer. Évidemment, nous devons tous aller dans le sens de la transition écologique, mais il faut porter le sujet plus haut parce qu’à notre échelle, on est limité. Tout ne peut pas venir d’en bas. De Gaulle déclarait : “L’intendance suivra.”  Mais on est à contre-courant de cette philosophie. »

À gauche, Maël Burlot est militant à la section CFDT de l'hôpital psychiatrique de Caen. Au milieu, Lucile de La Tour d'Auvergne, secrétaire de section des Hospices civils de Beaune, a défendu l'amendement sur la proposition d'un parcours de formation spécifique pour les adhérents de moins de 36 ans. À droite, Vincent Etieve est le responsable développement de la Côte-d'Or.

Extrême droite

Maxime Augeul a été particulièrement sensible à l’amendement sur la proposition d’ajout « de l’extrémisme quel qu’il soit ». Selon lui, « mettre les extrêmes dos à dos et sur un pied d'égalité est le meilleur moyen de banaliser l'ennemi. L’ennemi du monde de la santé et l'ennemi du syndicalisme, ce n’est pas l'extrême gauche. En revanche, l'extrême droite revendique bien le fait que les syndicats ne sont pas leurs amis. Ces valeurs m’animent, surtout dans le milieu des soignants, où beaucoup cèdent au discours simpliste de l’extrême droite et sont victimes de cette propagande. Cela m’a d’autant plus motivé à rejoindre la CFDT. C’est un sujet qui fait débat, on l’a bien vu lors du dernier congrès. »

Vincent Etieve rejoint cette idée du vote sur la question des extrêmes, où l’ajout de « l’extrémisme quel qu’il soit » lui a semblé aberrant : « Je suis convaincu que le danger imminent porte plus sur un extrême que sur l’autre. »

Pour Raphaël, la question de l’extrême droite va vite revenir sur la table. « Il faut expliquer aux militants, qui votent extrême droite, où se trouvent les pièges. Les idées du RN sont contre-productives par rapport à la défense du monde du travail et aux droits des femmes. »

Renouvellement générationnel

Le renouvellement générationnel de la CFDT devient crucial pour sa pérennité. Vincent Etieve porte ce sujet haut et fort. Éducateur spécialisé dans la fonction publique hospitalière au Foyer de l’enfance Simone Veil, à Ahuy, en Côte-d’Or, ce militant de 28 ans est déjà responsable développement du syndicat départemental 21. Détaché à 100 % pour la CFDT santé-sociaux, le jeune homme milite activement sur cette thématique : « Je prône le développement auprès de la jeunesse. Nos objectifs sont ambitieux pour le congrès confédéral de 2026. Nous étions 155 en Côte-d’Or en 2022, nous sommes actuellement 200. Nous visons 310 jeunes en 2026. Certains pensent que les jeunes ne sont pas sensibles au syndicalisme, alors que les enjeux sont simplement différents. Il faut leur expliquer l'adhésion de façon différente.

Je milite pour la notion de “parcours CFDT” : les jeunes n’exercent plus quarante ans au même endroit. La CFDT peut être une continuité dans toute une carrière, pas juste le temps pendant lequel on travaille dans un établissement, qu’on aura peut-être quitté d’ici trois ans.

D’autre part, parmi les jeunes de 2022, beaucoup ne sont plus considérés comme tel. C'est un peu la course à l'échalote. Le fait que je sois encore vingtenaire, en tant que RD, impulse une dynamique décidée au niveau politique. On met en place des tournées pour parler aux jeunes dans des établissements en difficulté sur le développement. Dans le cadre de l’événement “Réponses à emporter”, on va à la rencontre d’étudiants en santé. Même s’ils ne peuvent pas encore adhérer, on leur explique ce qu’est un syndicat et on leur donne des bases sur le droit du travail. On met le paquet sur cette tranche de la population, avant même qu'ils travaillent. Si on les croise quand ils auront intégré la vie active, il y aura potentiellement plus de facilités à les faire adhérer à la CFDT. »

Au congrès de Niort, Lucile est montée en tribune pour défendre le parcours de formation spécifique aux adhérents de moins de 36 ans. « Ces formations sont nécessaires. » Pour elle, le résultat n’a pas été satisfaisant : « Si la CFDT n'était pas prête, elle le sera peut-être dans quatre ans. On est passé de 15 % à 49,20 %, on est presque au 50/50 : c’est une belle progression. »

 Maxime Augeul se dit « surpris » et a trouvé « hyper violent » le fait de voter contre le parcours spécifique pour les moins de 36 ans : « Les jeunes étaient plus nombreux qu’au précédent congrès, mais on a le sentiment qu’on doit rester à notre place, ne pas “faire chier”. Ça renvoie un mauvais signal pour notre jeunesse militante. Lucile de La Tour d’Auvergne a d’ailleurs parfaitement défendu le fait qu’il faille proposer ce parcours de formation spécifique pour les moins de 36 ans. Le résultat du vote a tranché en notre faveur, mais de peu. »

Santé mentale, cause nationale de 2025

Cette thématique touche de près la jeunesse, militante ou non. La période post-Covid a mis en exergue le mal-être des jeunes. Un signal d’alarme pour Raphaël, qui en fait un combat prioritaire : « La santé mentale touche tout le monde. Il faut sensibiliser les gens à ce sujet. On pourrait proposer des formations, comme la méthode Premiers secours en santé mentale (PSSM), que je délivre dans un cadre extra-syndical. La santé fait partie des prérogatives de notre syndicalisme, et il ne faut pas oublier la santé mentale au détriment de la santé physique. Les deux sont intimement liés. »

Lucile constate que dans les Ehpad, « il y a de plus en plus de résidents valides mais avec des troubles cognitifs. Le personnel n’est pas suffisamment formé et nos tutelles n'ont pas conscience de la charge que représentent les troubles tels que la maladie d’Alzheimer, la démence frontale, les troubles bipolaires, les handicaps et retards mentaux. Certains intègrent un Ehpad après avoir passé une bonne partie de leur vie dans des structures de santé pour handicapés. Ces établissements ne sont pas du tout adaptés au handicap mental. Pour les personnes âgées sans problèmes mentaux, c’est compliqué.

De même, nos premiers secours, SMUR et urgences ne sont pas formés aux premiers secours en santé mentale. On les envoie généralement en intervention pour des traumas, plaies, accouchements, ou encore réanimations cardiaques. Quand ils doivent gérer quelqu’un en pleine crise sur un lieu d’accident, ils sont démunis. Quand ils reviennent aux urgences après avoir transporté le patient, s’ils sont victimes d’un stress post-traumatique, personne ne peut rien faire, faute de formation spécifique, et ils finissent par craquer.

À Beaune, on a mis des choses en place : la présence d’une psychologue du travail dans les locaux et des plaquettes d’info. Mais il reste cette construction culturelle, populaire qui sous-entend qu’avoir recours à un psy, c’est qu’on a un problème.

Surtout, en tant que syndicalistes, comment peut-on les accompagner ? Nous n’avons pas été formés aux premiers secours en santé mentale. Pourtant, combien d’agent·es au bord du burn-out, en stress ou en panique, reçoit-on dans nos bureaux tous les jours ? Parmi les projets que nous allons mettre en œuvre, j’essaie de faire développer une formation au sein des hôpitaux de Beaune. »

Si la CFDT semble inquiète quant à la relève générationnelle, qu’elle se rassure, la jeunesse militante anticipe déjà les mutations qui s’opèrent dans le monde du travail. D’ailleurs, n’est-elle pas la plus à même de porter les défis environnementaux, sociétaux ? Le temps est peut-être venu de lui donner les clés pour construire un avenir plus juste.

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